Depuis plusieurs années les fournisseurs de services publics et privés sont en train de transformer leur façon de gérer leurs relations avec leurs clients. Profitant des opportunités offertes par les technologies, ils se dotent de solutions en ligne permettant d’accéder aux services offerts. Cette transformation a lieu dans une société vieillissante, dans laquelle les besoins et les habitudes des clients sont hétérogènes. Ce phénomène pose des questions en matière d’accessibilité et de sécurité, ainsi qu’en termes d’inclusion et de participation des personnes âgées et, plus généralement, de la population.
Pour réfléchir ensemble à ces questions, le senior-lab a organisé le 7 décembre 2022 un après-midi de réflexion et de partage. Articulant des présentations de cas pratiques et d’études, des ateliers participatifs et une table ronde (voir programme), cet événement a permis d’enrichir le débat sur cette thématique d’actualité et fournir des pistes de solutions pour des services en ligne plus inclusifs.
Présentations
- «Comment soutenir l’utilisation des services en ligne dans le domaine des transports: l’exemple d’être & rester mobile» par Eliane Leuzinger, Responsable de programme mobilité des personnes âgées chez rundum mobil GmbH
- «Les seniors et la cybercriminalité dans les services en ligne» par Olivier Beaudet-Labrecque, Professeur HES, Doyen de l’Institut de Lutte contre la criminalité économique (ILCE) à l’HEG Arc
Synthèse des ateliers
Quatre ateliers ont permis aux participant-e-s de partager leurs idées et imaginer des services en ligne mieux adaptés aux besoins des seniors. Les participant-e-s ont discuté à partir de situations concrètes (dans les box qui suivent) en lien avec les domaines bancaire, sanitaire, des transports publics et de la sécurité informatique.
Ateliers 1A et 1B : Transition numérique des prestations bancaires, administratives et sanitaires : quelle place à la personnalisation des services ?
Situation Atelier 1 A : « Un grand groupe de cabinets médicaux souhaite se doter de solutions de télémédecine permettant à ses patients de s’entretenir avec leur médecin sans devoir se déplacer. »
Les participant-e-s estiment que la télémédecine peut amener des avantages en termes d’accessibilité aux prestations et dans la relation soignant-patient. Pour cela, plusieurs aspects sont à considérer :
- Les plateformes de télémédecine doivent être conçues de façon à favoriser et valoriser le rapport humain et pas à le substituer.
- Les plateformes de télémédecine doivent permettre de gérer et partager avec toutes les parties prenantes (professionnels, famille, proches aidants) des informations sur la santé des patients afin de favoriser une meilleure coordination. Pour cela, une meilleure intégration entre les plateformes de télémédecine et les plateformes de gestion des données sanitaires est à encourager.
- Afin de favoriser son adoption, la télémédecine devrait être proposée par une personne de confiance (médecin de famille, infirmière de référence, etc.).
- Il est important d’impliquer les usagers dans la conception et la validation des interfaces (user-friendly) et les accompagner pendant l’adoption de la technologie.
Les participant-e-s ont également discuté les potentialités des nouvelles technologies en milieu hospitalier.
Situation Atelier 1 B : « Un grand groupe hospitalier souhaite se doter de services digitaux permettant à leurs patients de gérer leur passage à l’hôpital. Les statistiques de cas traités par ce groupe hospitalier montrent que le 50% de leurs patients a plus de 65 ans avec une durée de séjour moyenne de 7 jours. »
Les aspects suivants ont été proposés :
- Lors d’une opération, une application destinée aux patients pourrait permettre de mieux se préparer à la phase pré- et post-opératoire en fournissant les instructions à suivre et des informations utiles (p.ex. risques et bénéfices de l’opération, comment l’opération va se dérouler, alimentation à suivre avant et après l’opération, conseils pour le rétablissement, expériences d’autres patients, etc.). Ces informations permettent de rassurer le patient et allègent le suivi du personnel hospitalier.
- Pendant le séjour à l’hôpital, une telle application pourrait permettre de faciliter la communication entre le patient et le personnel (p.ex. appel en cas de besoin, gestion des repas, prise des médicaments, etc.).
- Les participant-e-s ont évoqué l’idée d’un service numérique avec une interface attractive et avec de l’empathie artificielle pour gérer les patients à l’arrivée à l’hôpital, faire un premier tri et les orienter vers le service hospitalier pertinent.
Les participant-e-s ont aussi abordé la question de services en ligne bancaires.
Situation ateliers 1 A et B : « Lors d’une évaluation interne, une banque régionale constate que le 40% de sa clientèle a 65 ans ou plus et qu’uniquement le 50% de ses clients utilise le e-banking. La banque souhaite développer davantage ses services en ligne et les rendre non seulement plus faciles à utiliser mais également plus attractifs pour sa clientèle 65+. »
Plusieurs facteurs ayant un impact sur l’accessibilité et l’utilisation de ces services ont été identifiés :
- Les services en ligne des banques doivent toujours être développés, validés et améliorés avec les usagers finaux afin de garantir leur adaptation à des besoins hétérogènes.
- L’interface des services d’e-banking doit toujours être personnalisable (p.ex. langue, taille du texte, triage des informations, accès rapides à certaines fonctionnalités, possibilité de renommer un compte, etc.) avec un accompagnement initial sur mesure pour le faire (p.ex. avec accompagnement au téléphone et prise de contrôle de l’ordinateur pour expliquer pas à pas les opérations).
- Mettre en place des cours et des tutoriels adaptés aux capacités (langage, rythme, etc.) des usagers finaux, y compris celles et ceux qui ont de faibles compétences informatiques. Des collaborations avec des associations de terrain en lien avec les usagers à risque de fracture numérique sont à encourager.
Atelier 3 : La protection des données dans la jungle des services en ligne : enjeux liés au vieillissement démographique
Situation Atelier 3 : « Avec 2’633 infractions en 2021, soit plus 22% sur un an, la cybercriminalité explose en Suisse. Le Police reçoit un nombre croissant de plaintes et signalements pour des arnaques sur internet, tout particulièrement sur les réseaux sociaux et les plateformes d’achat, et les seniors représentent une des cibles privilégiées des cybercriminels. La Police souhaite aujourd’hui mettre en place des mesures pour lutter contre ce phénomène à plusieurs niveaux (prévention, répression, etc.) ».
En ce qui concerne la protection des données et plus généralement la protection de la sphère privée et la lutte contre la cybercriminalité, les participant-e-s ont discuté les aspects suivants :
- Il est nécessaire de travailler sur la prévention et la sensibilisation en proposant des mesures à plusieurs niveaux qui s’adressent à des publics cibles variés. Il est conseillé de mettre en œuvre des cours et des hotlines téléphoniques (p.ex. gérées par la police) destinés aux usagers finaux, ainsi qu’organiser une journée nationale sur la cybercriminalité afin de sensibiliser la population et former les professionnels en lien avec la protection de la population, les services en ligne et le vieillissement. Dans ce contexte, il faudrait renforcer les collaborations public-privé avec l’implication des communes qui ont souvent un contact privilégié avec la population.
- La motivation et la mise en confiance des usagers sont des aspects fondamentaux. La sensibilisation et la formation des clients doit permettre de les accompagner vers une utilisation consciente des services en ligne tout en mettant en avant les avantages (attractivité).
- Favoriser les échanges intergénérationnels est une mesure à favoriser ainsi que le transfert de connaissances de seniors plus expérimentés vers ceux qui débutent dans l’utilisation d’outils digitaux.
- Afin d’informer et accompagner correctement les usagers des services en ligne, il est important d’utiliser une communication adaptée et inclusive (p.ex. vulgariser les termes techniques, donner des exemples de bonnes pratiques, utiliser plusieurs canaux de communication, système de récompenses, éviter systématiquement l’utilisation d’anglicisme, etc.).
Atelier 4 : Digitalisation des billets dans le domaine des transports et de l’événementiel : comment garantir l’accessibilité des clients 65+ ?
Situation Atelier 4 : « En Suisse, près de 60% des personnes de 65 ans et plus dispose d’un abonnement des transports publics. Une organisation régionale de transports publics est en train de digitaliser ses services et souhaite profiter des opportunités offertes par les nouvelles technologies pour développer et proposer de nouveaux services pour permettre à ses clients de mieux planifier les voyages, faciliter l’achat des billets et rendre les trajets plus aisés. »
Plusieurs pistes ont été discutées :
- Rendre les applications des transports publics plus personnalisables aux habitudes et exigences des clients. L’idée d’une application permettant d’acheter et payer facilement le trajet en l’activant au moment du départ et la désactivant au moment de l’arrivée (p.ex. FairtiQ) est saluée positivement par les participant-e-s. Il est toutefois conseillé d’offrir plusieurs méthodes de paiement, p.ex. en offrant la possibilité d’acheter des cartes rechargeables. L’idée de pouvoir sélectionner et acheter un billet à travers des commandes vocales a aussi été mentionnée.
- Comme pour les services en ligne bancaires et sanitaires, les services des transports publics devraient également être testés et validés avec un panel d’utilisateurs aussi varié que possible afin d’assurer un accès universel aux offres proposées.
- Dans un contexte de transition numérique, les transports publics devraient se doter d’un wifi gratuit permettant aux clients d’utiliser les services en ligne.
- La digitalisation de ces prestations ne devrait pas se faire au détriment d’autres modalités d’achat. La possibilité d’acheter et payer des billets à un guichet ou un automate devrait être conservée.
- Des cours individuels ou des lieux d’information devraient être offerts par les entreprises qui promeuvent ces technologies afin de faciliter l’adoption, paramétrer les applications et les moyens de paiement.
Conclusions
Les intervenant-e-s et les participant-e-s ont enrichi le débat autour de cette thématique d’actualité et plusieurs messages clés ont pu être identifiés :
- Les personnes âgées représentent une population hétérogène et il faut éviter de généraliser leurs attentes vis-à-vis des services en ligne. Il faudrait en ce sens privilégier une approche axée sur les besoins des clients, indépendamment de leur âge.
- Impliquer les usagers finaux dans la conception, le développement et la validation de services en ligne est fondamental pour pouvoir proposer des solutions mieux adaptées qui seront plus facilement acceptées et adoptées.
- Tout service en ligne nouvellement lancé sur le marché nécessite un accompagnement sur mesure des clients afin de prévenir les phénomènes de fracture numérique.
- Dans tous les secteurs touchés par la transition numérique, il est important de rassurer les utilisateurs et de leur offrir une alternative au numérique. Eviter le « tout-numérique » et garantir toujours l’autodétermination des personnes dans le choix du moyen d’accéder aux services publics et privés.
La conférence en images et dessins
Inscrivez vous à la communauté du senior-lab pour participer aux prochaines événements: Inscription