En cette période de crise sanitaire liée au coronavirus, les activités participatives du senior-lab ont dû être repensées. Les échanges par e-mail, les appels téléphoniques et les séances sur les plateformes de vidéoconférence se sont multipliés et permettent de garder un contact régulier avec la communauté des seniors. Le senior-lab a notamment profité de ces technologies pour mener des interviews à distance avec les membres de sa communauté. L’objectif de ces entretiens était d’en savoir plus sur comment les seniors interrogé-e-s vivaient cette situation inhabituelle et d’évaluer si des leçons pouvaient en être tirées en termes d’innovation, avec et pour les seniors.
Quelles conséquences aux mesures de confinement
En général, nous observons que les seniors interrogé-e-s affrontent positivement cette période. Elles et ils s’adaptent aux directives liées au coronavirus et réorganisent leurs activités avec esprit innovateur. Le résultat ? Les agendas sont encore plus chargés qu’avant le début de la crise, comme nous le témoigne Laurence Rohr, « Mon quotidien n’a jamais été aussi mouvementé que depuis qu’il y a le coronavirus, je suis des cours en ligne de gymnastique, je participe à un club de lecture, je fais un cours d’anglais, vraiment je ne m’ennuie pas même en vivant toute seule ». Cet avis est partagé par Gudrun Chable: « J’ai beaucoup à faire à la maison ainsi que pour mon association, je fais aussi des exercices de mémoire pour les cours que je donne et tout cela m’occupe assez. Je vis ça très bien ».
Nous assistons également à l’émergence de plusieurs initiatives de solidarité qui permettent à tout un chacun de trouver un soutien pour affronter cette période. Beaucoup de personnes de tout âge se portent bénévoles pour faire les courses, aller à la pharmacie ou garder les enfants. Les seniors interrogé-e-s jouent aussi, au sein de leur entourage, un rôle important à ne pas négliger. Certain-e-s assurent par exemple des cours par Skype aux enfants, ce qui permet d’apporter un soutien à l’éducation et un soulagement aux familles.
Le risque de stigmatisation
Toutefois, le revers de la médaille existe aussi. Le message des autorités porte souvent sur la population fragilisée, et en particulier les personnes de 65 ans et plus, avec des effets parfois négatifs en termes de stigmatisation de la part des générations plus jeunes. C’est ce que nous dit Gilbert Kislig au téléphone, « Il y a l’entraide que je vois, mais il a aussi la réprobation, c’est-à-dire que quand on voit des aîné-e-s faire des commissions dans les magasins, il y a une attitude de reproche ». Un sentiment partagé aussi par Liliane et Marcel Oberli qui estiment que l’attention centrée sur les seniors n’est pas autant justifiée, « On a peut-être mis les personnes âgées dans une situation faussement exagérée vis-à-vis des jeunes (…). Les personnes âgées sont peut-être plus sensibles à la réception du virus mais nombre de personnes âgées, dont nous faisons partie, respectent cette distance sociale et, de plus, au bénéfice d’une bonne santé, trouvent finalement que ça se passe bien ». Cet aspect est d’autant plus délicat que la programmation des médias est dédiée quasi exclusivement à la crise sanitaire. Cela est remarqué aussi par Michel Posse qui suggère de varier la programmation pour aider le public à mieux supporter le confinement, « Il y a une telle diffusion par le journal, par la télé et par la radio que ça devient un petit peu lourd (…) il faut éviter une sorte d’acharnement médiatique sur cette situation sinon on verse au bout d’un certain moment ».
Idées pour innover avec et pour les seniors
Cette période amène également beaucoup d’entre nous à utiliser pour la première fois des nouvelles solutions (par ex. achats en ligne, enseignement en ligne, etc.), voire à inventer de nouvelles solutions, pour répondre à des besoins nés ou modifiés par la crise sanitaire. C’est ce que nous montre l’exemple de Monique Richoz qui vient de découvrir « Terre vaudoise » (magasins de produits locaux), « Une belle surprise a été la découverte de « Terre vaudoise » qui, avec la Ville de Lausanne, a mis en place un système de courses avec livraison à domicile par « Vélocité » (livraison à vélo) (…) je trouve que cela ouvre une diversité, débouche aussi sur un savoir-faire local et me permet de bien renouer avec les artisans locaux, contact que je vais conserver pour l’après ». Dans ce cas, la synergie entre l’administration publique, les services de livraison à vélo et les magasins d’alimentation du terroir a permis de mettre sur pied un service, gratuit pour les 65 ans et plus, capable de répondre aux besoins des consommateurs tout en promouvant le marché local et le respect de l’environnement.
Un autre exemple de solution au temps du coronavirus concerne les visites des musées et les spectacles qui ont commencé à proposer des alternatives virtuelles. Monique Richoz a tenté cette expérience, « Des visites virtuelles de grands musées comme le Getty à Los Angeles ou le Louvre à Abou Dhabi (…) je n’irais peut-être pas visiter ces musées physiquement donc c’est une bonne chose qu’ils existent en visite virtuelle et ces visites, que j’avais laissées de côté parce que j’étais trop occupée à faire des visites physiques, je les découvre maintenant avec bonheur et c’est une chance de pouvoir nous déplacer ainsi sur internet ». Ces solutions permettent de participer à des activités culturelles tout en restant chez soi. Si cela rencontre un certain succès pendant le confinement actuel, ces solutions pourraient encore être utilisées après la crise, notamment, mais pas seulement, pour des personnes à mobilité réduite.
Ces solutions se basent souvent sur des technologies déjà existantes qui montrent aujourd’hui tout leur potentiel innovateur. En cette période de crise, ces technologies sont utilisées par un public de plus en plus hétérogène qui compte plusieurs seniors avec des compétences et des ressources très variées. Pour développer des technologies adaptées à cette hétérogénéité, le senior-lab estime nécessaire de continuer à promouvoir et valoriser l’avis et les expériences des seniors dans tout projet d’innovation. Cela permettra d’augmenter la convivialité des solutions et d’éviter une fracture numérique liée à l’âge.
Pour le senior-lab, les mesures liées au coronavirus représentent également un défi et une opportunité pour questionner et faire évoluer ses activités. Les méthodes participatives soutenues par le senior-lab sont testées à distance afin d’assurer que l’avis des seniors soit toujours pris en considération dans le développement de solutions innovantes. C’est ainsi que le senior-lab a par exemple crée sa newsletter pendant ces semaines de confinement. La consultation à distance de plusieurs seniors a permis de comprendre les contenus et la forme que celle-ci doit prendre et, en même temps, de constituer un groupe éditorial composé de seniors qui va accompagner et proposer des contenus pour les prochaines éditions de la newsletter.
Reproduire les activités de co-création en présentiel et la convivialité qui se crée lors de ces moments n’est évidemment pas une chose aisée, mais le senior-lab veut continuer ce travail de réflexion autour de la participation des aîné-e-s avec tous les acteurs concernés et saisir les opportunités données pour valoriser ses activités d’innovation avec et pour les seniors.